Une campagne électorale sous tensions
Le 03 novembre 2020, en pleine crise du coronavirus, les Américains exprimèrent leur verdict dans l’affrontement liant Donald Trump à Joe Biden pour la Maison blanche. Durant cette période, nous étions nombreux à prédire une victoire relativement aisée de l’expérimenté Biden, notamment au vu de la gestion souvent jugée « calamiteuse » de la crise sanitaire par son adversaire. Toutefois, comme cela fut le cas lors de la victoire surprise de Trump quatre ans plus tôt, le président-candidat déjoua les pronostics. En effet, ce n’est que le 07 novembre, après avoir comptabilisé les nombreux bulletins adressés par correspondance, que le candidat démocrate fut officiellement déclaré vainqueur. On aurait alors pu croire à la fin de l’histoire, mais le Républicain New-Yorkais était encore loin de s’avouer vaincu. S’en sont suivies d’innombrables péripéties politiques et judiciaires visant à contester une élection que le Président encore en exercice jugeait « truquée ». L’apogée de ces événements, en forme de « baroud d’honneur », eut lieu le 06 janvier 2021. Des supporteurs de Trump prirent d’assaut le Capitole pour faire pression sur les élus américains qui validaient dans l’hémicycle à ce moment même l’élection de Joe Biden. Cette émeute qui a coûté la vie à cinq personnes dont un policier a particulièrement choqué à travers le pays et au-delà. C’est dans ce contexte tendu que l’élection de Joe Biden fut définitivement entérinée par les parlementaires et que Donald Trump accepta, du bout des lèvres, sa défaite.
Si une page de l’histoire américaine semble se tourner, l’heure est venue de tirer les enseignements de ces élections et d’analyser les conséquences de ces troubles majeurs sur la politique américaine. En clair, l’élection de Joe Biden constitue-t-elle en soi un retour à la normale ou, au contraire, exacerbera-t-elle les tensions au sein d’une société américaine déjà plus divisée que jamais ? Quelle marge de manœuvre pour Biden, président fragilisé avant même sa prise de fonctions ? Quel avenir pour le courant « trumpiste » sur la scène politique du pays ? Autant de questions cruciales pour nous, européens, dont le développement sur bien des sujets demeure lié à la position de Washington. Je vous propose ici quelques éléments de réponses qu’il conviendra bien sûr d’affiner au fil des événements.
La victoire de Biden ne présage en rien l’apaisement de la société américaine : le défi est immense
Tout d’abord, la victoire de Biden ne présage absolument pas d’un apaisement de la sphère politique américaine sur le long terme, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, le score très important de Donald Trump confirme sa solide base électorale et la défiance de nombreux électeurs américains vis-à-vis des politiciens « mainstream ». Deuxièmement, bien que Joe Biden ait réussi à engranger de nombreux votes en fédérant les opposants de Trump, ce dernier est loin de susciter l’enthousiasme populaire de l’ancien président Obama. Dans ces conditions, il sera difficile pour Biden de passer du statut de « rempart » anti-Trump à celui de leadeur d’une nation extrêmement divisée. Troisièmement, l’atmosphère calamiteuse dans laquelle se sont déroulées les élections fragilisera encore un peu plus le mandat de l’ancien vice-président et renforcera sans doute les frictions au sein de la société américaine. Ainsi, la route semble semée d’embuches pour Biden qui devra trouver les mots, et surtout les actes, pour apaiser les tensions actuelles et continuer à rassembler.
Le risque d’un retour en force de Trump aux prochaines élections et le parti républicain déstabilisé
Du côté du camp Trump, si de nombreuses incertitudes persistent, l’espace politique pour conserver sa popularité sur le long terme existe. En effet, l’anticonformisme qu’il incarne, sa personnalité forte, ses techniques de communication bien rodées et, il faut bien le reconnaître, sa capacité à ne jamais abandonner, constituent des atouts certains dans une société clivée et en froid avec ses élites. A cela s’ajoute l’émergence de plusieurs personnalités dans l’entourage proche, voire familial, de l’ancien Président qui pourraient reprendre le flambeau lors des prochaines élections. Pour finir, l’emprise de Donald Trump sur le parti républicain et ses électeurs fut telle qu’il est fort à parier que le divorce sera extrêmement difficile d’un point de vue stratégique. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : loin d’être une contestation ponctuelle à l’encontre de « l’establishment » américain, l’élection de Trump constitue bel et bien l’émergence d’un nouveau courant politique avec lequel il faudra composer sur le long terme.
Un horizon politique morose, mais laissant entrevoir des raisons d’espérer
On l’aura compris, l’avenir de la scène politique américaine est incertain, mais de nombreux nuages s’annoncent à l’horizon. Toutefois, et comme souvent en politique, quelques éléments nous permettent d’espérer un dénouement plus positif. Tout d’abord, si l’élection de Biden ne traduit pas nécessairement une baisse de popularité de Trump, elle constitue tout de même un signal rassurant. Surtout, il s’agit là d’une opportunité majeure pour le camp démocrate de se remettre de la débâcle de 2016. De plus, après l’échec de la transition post-Obama, le parti démocrate dispose de certaines jeunes pouces susceptibles d’insuffler une nouvelle dynamique. L’élue à la Chambre des représentants Alexandria Ocasio-Cortez est un exemple de cette relève démocrate progressiste, tranchant avec l’élite traditionnelle décriée par une part importante de l’électorat américain. Enfin, si la crise du Covid-19 a probablement joué un rôle dans la défaite de Donald Trump, elle représente une opportunité pour le camp Biden en cas de bonne gestion de cette dernière. Dans cette perspective, la capacité du gouvernement fédéral à soutenir les plus fragiles ainsi que l’avancée du programme de vaccination seront des éléments clés.
Conclusion
Alors, l’élection de Biden signifie-t-elle un retour à la normale pour la sphère politique américaine ? Rien n’est moins sûr. Ouvre-t-elle un nouveau chapitre d’une crise ayant débuté après l’élection de Trump ? Cela semble bien plus probable. Si l’ère Biden représentera sans doute une accalmie, notamment du point de vue de la politique étrangère et commerciale menée par Washington, restaurer la confiance entre l’establishment américain et les électeurs sur le long terme ne sera pas une tâche facile. Une chose semble certaine : les quatre ans à venir, en particulier en matière de gestion de la crise sanitaire, auront un impact considérable sur le futur du « courant Trump ».
Disclaimer: Les positions contenues dans cet article n'engagent que son auteur.
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