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Photo du rédacteurAntoine Renaux

La gestion de la pandémie de Covid-19 en Pologne : Un bilan flatteur vu de France ?

Dernière mise à jour : 11 avr. 2021



Au 15 mars 2021, la Pologne enregistrait un nombre total de 1 906 632 cas positifs et 47 178 décès de la Covid-19 depuis janvier 2020. En comparaison, la France enregistrait 4 071 662 cas et 90 445 décès, soit environ le double, alors que la population polonaise est estimée à 37 millions d’habitants contre 66 millions en France. Ainsi, un premier aperçu du nombre enregistré de contamination et de décès laisse entrevoir un bilan honorable pour la gestion de crise par les autorités polonaises en comparaison avec ses homologues français. Par ailleurs, selon le site francophone, « Le petit journal de Varsovie », la Pologne a enregistré au 16 mars un total de 4.555.060 vaccinations effectuées, contre un chiffre en France de 5.135.616. Enfin, selon cette même source, les conséquences économiques de la situation sanitaire sont sans commune mesure entre Paris et Varsovie, puisqu’en septembre dernier, la Pologne enregistrait une baisse de la production particulièrement faible, estimée à 8% sur le dernier trimestre, contre 20% en France. Nombre d’infections et de décès, vaccinations, protection de l’économie, la comparaison nominale entre Paris et Varsovie apparaît comme flatteur pour la Pologne. Ainsi, nous chercherons à comprendre la spécificité de la gestion de la crise sanitaire par Varsovie afin de discuter cet insolent bilan et comprendre comment les autorités polonaises ont géré la crise actuelle depuis le début de l’année 2020.


Une première vague quasiment inexistante : Une brève chronologie de la situation sanitaire entre janvier et septembre 2020


L’observation des chiffres en février 2021 fait apparaître un bilan sanitaire tout à fait honorable pour Varsovie. Plus précisément, une brève chronologie des événements apparaît comme nécessaire afin de comprendre les principales étapes de la crise et de sa gestion, ainsi que les raisons du succès de la gestion de crise par les autorités polonaises. Cette chronologie souligne une différence dans la propagation de l’épidémie en Europe, puisque le premier cas en Pologne est détecté plus d’un mois après le premier cas en France, ainsi qu’une grande réactivité des autorités polonaises.


Chronologie des faits allant de janvier à avril 2020:


Une gestion efficace de l’épidémie dès le printemps 2020


Si l’arrivée de la Covid-19 en Pologne est plus tardive, la chronologie des événements fait toutefois apparaître une démarche proactive des autorités polonaises, avec la mise en place des premières mesures de tests aux aéroports fin janvier ou encore le vote de la loi de protection sanitaire par la Sejm (chambre basse du Parlement) le 1er mars. La rapidité des autorités polonaises s’inscrit alors dans un contexte de progression inquiétante de l’épidémie en Italie, avec la mise en place d’un confinement en Italie du Nord, concernant 16 millions d’individus, le 21 février, suivi d’un confinement national le 9 mars.


Le professeur et historien Roman Krakovsky analyse dans un article pour l’Institut Montaigne le succès de la gestion de crise par différents facteurs :


- La rapidité et la dureté des mesures afin de limiter la propagation des cas positifs. Ainsi, la fermeture de lieux publics comme les écoles, les universités, les lieux culturels et les centres commerciaux s’opèrent le 11 mars tandis que le pays n’enregistre que 6 cas;


- La fermeture rapide des frontières pour contenir la propagation de l’épidémie dès le 15 mars, malgré la protestation de la Commission européenne;


- Le strict respect des mesures de limitations des déplacements par la population, citant une baisse de 60% des déplacements avant la mise en place du confinement selon les données de géolocalisation de Google.


Ce dernier point peut être souligné par l’exemple de l’article de la correspondante à Paris Kaja Tyzenhaus du journal Gazeta Wyborcza, reprit le 16 mars par le Courrier international sous le titre « “L’irresponsabilité” choquante des Français face au coronavirus ». Plus précisément, la journaliste déplore le comportement des Français durant le week-end précédant la mise en place du confinement, c’est-à-dire les scènes de regroupements nocturnes dans les lieux de sorties ainsi que le maintien des élections municipales. Elle reconnaît également une lenteur de réaction des autorités françaises en comparaison avec l’exécutif, malgré son absence de sympathie pour le gouvernement actuel à Varsovie.


L’arrivée tardive de l’épidémie en Pologne et les mesures proactives du gouvernement ont pour conséquence une faible mortalité du virus dans ce pays. De ce fait, à la date du 11 mai 2020, Varsovie enregistre 16 326 cas et 811 décès, contre 139 519 cas et 26 643 en France, soit environ 8 fois moins de cas positifs et 32 fois moins de décès, alors que l’écart de population totale n’est que 2 fois inférieur pour la Pologne. La faible courbe des cas détectés ainsi que des décès se maintient alors jusqu’à l’automne 2020, avant de connaître une hausse importante à partir du mois d’octobre.


Vu de Pologne, une première vague épidémique à partir de l’automne 2020


Au regard des chiffres de l’OMS, la Pologne connaît une augmentation significative des cas positifs au Covid-19 à partir de l’automne dernier. Ainsi, la courbe des contaminations dépasse le seuil de 1000 nouvelles contaminations quotidiennes à partir du 24 septembre jusqu’au pic de 25 221 contaminations le 11 novembre avant de redescendre. Selon Tamara Popic and Alexandru D. Moise du site internet preventionweb.net, cette hausse observable non seulement en Pologne, mais dans l’ensemble de l’Europe centrale s’explique par différents facteurs. Plus précisément, ils considèrent que le succès de gestion de crise au printemps a eu pour conséquence des phénomènes de « fatigue pandémique » mais également de scepticisme sur la dangerosité de la pandémie. De plus, la crainte d’une aggravation de la situation économique a également représenté un frein pour les autorités dans la mise en place de nouvelles mesures de restriction.


Face à cette hausse significative, les autorités polonaises ont réagi le 24 octobre par la mise en place de mesures restrictives, comme la fermeture des grands centres commerciaux, des espaces culturels (cinéma, théâtres), des espaces sportifs ainsi que des lieux de loisirs (discothèque, bars, restaurants). En comparaison avec la France, une spécificité de la gestion de crise en Pologne est le confinement obligatoire ciblé de la population de plus de 70 ans, accompagné par des horaires réservés de 10h à 12h pour cette population dans les commerces. Cette attitude tranche radicalement avec la posture des autorités françaises en mai 2020, reculant devant les protestations des seniors à l’appel du gouvernement de poursuite volontaire du confinement pour les populations les plus à risques. Malgré les mesures de confinement, selon les chiffres avancés au 28 février par le petit journal de Varsovie, le nombre de contaminations s'élevait alors à 43.656 contre 86.332, soit une situation comparable à la France en termes de proportions de la population.

De plus, un rapport d’Eurosurveillance consacré à la mortalité en Pologne du 18 février 2021 met en évidence deux autres facteurs pour expliquer cette mortalité, la campagne de tests et le manque de moyens pour la politique de santé.


Plus précisément, l’enjeu du dépistage désigne le faible nombre de tests menés par rapport à la hausse des infections et les difficultés de détection des symptômes de l’épidémie par la généralisation des consultations médicales en ligne. De plus, le manque de moyens publics dans la santé est souligné par la somme de 1 507 euros par habitant alloués à la santé en Pologne contre 2 775 euros par habitant en moyenne dans l’UE. De plus, le manque de personnels est souligné, estimé à 2,4 pour 100 000 habitants, soit le taux le plus faible de l’OCDE.


Face à la seconde vague de l’automne 2020, les autorités polonaises ont mis en place une stratégie de vaccination de masse, commencée le 26 décembre, priorisant les personnels médicaux, les enseignants et les “frontline personnels” tels que les policiers et les militaires. À la mi-janvier 2021, les chiffres de la vaccination apparaissent comme supérieurs en Pologne, avec 3.316.073 de personnes ayant reçu une première dose, contre 2.917.925 en France. À ce jour, la tendance s’est inversée, avec 5.135.616 vaccinations en France, contre 4.555.060 en Pologne. La stratégie de vaccination de masse apparaît comme une priorité pour le gouvernement, malgré un certain scepticisme relatif aux effets du vaccin Astrazeneca, se traduisant par des négociations avec Pékin pour l’achat de vaccins chinois.


Depuis la réouverture des cinémas et des théâtres à 50% des capacités d'accueil depuis le 11 février 2021 en raison de la fatigue pandémique, le chiffre des contaminations journalières depuis cette date est passé de 5 000 à 16 000. Cette situation a contraint les autorités à la mise en place d’un nouveau confinement localisé dans 4 des 16 régions du pays le 16 mars 2021. Ainsi, la Mazovie (Varsovie et ses alentours), la Mazurie (nord-est du pays), la Poméranie et le Lubuskie (sud et nord-ouest du pays, frontaliers de l’Allemagne) sont concernés. Ce lockdown se traduit par les fermetures de commerces non-essentiels et des écoles, sans couvre-feu ou confinement généralisé de la population, dans les régions les plus peuplées et urbanisées du pays.


Conclusion


L’étude de la situation sanitaire et de la gestion de crise par les autorités polonaises fait apparaître un bilan très contrasté entre la première vague du printemps 2020 et celle de l’automne de la même année. Ainsi, l’observation des chiffres de mars à septembre 2020 fait apparaître un insolent bilan sanitaire pour Varsovie, en raison de la réactivité des autorités polonaises. Plus précisément, on peut observer des mesures cohérentes au printemps 2020, contrastant par exemple avec les critiques adressées au gouvernement français sur la lenteur des autorités ou encore les incohérences relatives au port du masque. Ce bilan du printemps contraste avec la situation sanitaire à partir de l’automne 2020, où selon les données, la situation sanitaire peut être comparée à la situation rencontrée en France. Il apparaît toutefois comme trop tôt pour dresser une conclusion claire quant à l’efficacité de la gestion de crise face à cette seconde vague persistante, tandis que le pays enregistre le 25 mars 2021 un record d’infections journalières de 35 145 nouveaux cas.


Pour aller plus loin:


Coronavirus en Pologne : « Lockdown » dans 4 régions sur 16’. https://lepetitjournal.com/varsovie/coronavirus-en-pologne-lockdown-dans-4-regions-sur-16-300836


Coronavirus en Pologne : Point sur la situation à la mi-janvier 2021’. https://lepetitjournal.com/varsovie/coronavirus-en-pologne-point-sur-la-situation-la-mi-janvier-2021-296453


Europe Versus Coronavirus – Poland, Between Reactivity and Opportunism’. Institut Montaigne. https://www.institutmontaigne.org/en/blog/europe-versus-coronavirus-poland-between-reactivity-and-opportunism


Grabowski, Jakub, Natalia Witkowska, and Leszek Bidzan. 2021. ‘Letter to the Editor: Excess All-Cause Mortality during Second Wave of COVID-19 – the Polish Perspective’. Eurosurveillance 26(7): 2100117.


How Does Poland’s COVID-19 Vaccine Rollout Compare to Other Countries?’ 2021. Notes From Poland.



Staff, Reuters. 2021. ‘Polish and Chinese Presidents Discuss Buying Chinese COVID Vaccine - PAP’. Reuters. https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-poland-china-idUSKBN2AT2OC


Why Is Eastern Europe’s Second Wave so Much Worse than Its First?’ https://www.preventionweb.net/go/75002



Disclaimer: Les positions contenues dans cet article n'engagent que son auteur.

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